Roman collaboratif

Le Sun7 se lance dans une nouvelle aventure afin de toujours plus vous divertir. Ce projet, et pas des moindres, consiste en une histoire collaborative qui sortira régulièrement dans votre journal préféré. Ainsi, chaque semaine, un paragraphe sera ajouté à l’histoire. Il pourra être rédigé par l’un des membres du Sun7, ou bien par vous qui lisez ces lignes. Et oui, il vous suffit d’écrire un petit texte faisant suite à l’histoire et nous publierons le meilleur la semaine suivante ! Vous n’avez pas l’âme d’un écrivain mais souhaitez tout de même contribuer à l’histoire ? Pas de problème, il vous suffit de voter aux sondages sur nos réseaux sociaux afin d’influer sur la direction que prendra notre héros. Voici donc l’histoire qui a été écrite jusqu’ici :

 

16 février 2521, San Angel, Nouveau Texas

 

Aujourd’hui : 100ème anniversaire de la loi de matriculation

Cela fait trois jours que j’ai été transféré dans le district de San Angel pour éviter la montée des eaux. Rosa ne m’a pas suivi ; elle a préféré rester derrière pour rester avec son frère, incapable de se déplacer depuis qu’un accident à l’usine l’a cloué en fauteuil roulant. Elle me manque.

Ici, on est encore plus entassés qu’à Silver Coast, mon district natal, mais au moins j’y ai fait la connaissance de Yang Ling, matricule ZH898_NK. C’est un des hommes les plus impressionnants qu’il m’ait été donné de rencontrer, et rares sont ceux qui osent lui tenir tête.

Cet après-midi, notre glorieux Leader Silvio Han Smith doit venir en ville pour le centenaire de la loi. Afin de garantir la sécurité du grand Leader, la milice arpente les rues depuis hier, et tous les habitants du district ont été recensés. 

Ce genre de mesures n’aurait pas plu à Rosa. Elle a toujours été un peu tête brûlée, l’âme révoltée. Le soir, avant de s’endormir dans mes bras, elle tenait des discours enflammés remplis de révolte et de liberté. Elle se serait bien entendue avec Yang Ling. 

Tout à coup, ma puce émet un léger bip, signal que j’ai reçu un nouveau message.

 

– – –

(Hugo Delefosse)

 

18 février 2521, San Angel, Nouveau Texas

 

J’attends Yang Ling, seul derrière les bâtiments de l’Usine du district. Il y a deux jours, il m’a donné rendez-vous ici, en insistant bien sur l’importance du secret de notre rencontre, et en me priant de surtout venir à l’heure. Il est en retard.

J’ignore complètement pour quelles raisons Yang tient à me parler en ces lieux. J’ai tenté de lui tirer les vers du nez hier, mais il a vite changé de sujet, et je crois bien qu’il m’évite depuis. Peut-être est-ce en rapport avec la proposition que m’a faite le gouvernement ; il me semble difficile à croire que les deux messages, que j’ai reçus précisément au même moment, puissent n’avoir aucun lien entre eux. Les coïncidences pareilles, ça n’existe pas.

Ce message du gouvernement, ce n’est pas tellement une surprise. Ils avaient déjà réquisitionné mes services il y quelques mois, pour déchiffrer les échanges entre l’Union Eurasienne et le Brésil, ainsi qu’il y a deux ans après avoir intercepté la correspondance d’un réseau terroriste. L’anecdote drôle à ce sujet, c’est que la majorité des lettres étaient des déclarations enflammées qu’adressait le chef du parti à une jeune demoiselle apparemment peu intéressée.

Nous sommes très peu d’experts en cryptographie dans le pays, car le sujet est presque considéré comme illégal, et n’est nul part enseigné. C’est un savoir que je tiens de ma mère, qui l’avait appris de son grand-père, et qui se transmet dans la famille depuis longtemps.

Ce qui m’intrigue surtout dans cette histoire, c’est de savoir comment Yang Ling peut-il être au courant de mon lien avec le gouvernement. Il est clair qu’il ne travaille pas du côté du Leader, mais pourrait-il œuvrer contre lui ? Si les discours limite révolutionnaires sont courants au sein du peuple, il est autrement plus grave que de passer à l’action, et ce n’est sûrement pas le genre de magouille dans laquelle je compte tremper.

Agacé du retard de mon ami, je me lève pour partir quand soudain, une ombre se dresse devant moi.

 

– – –

(Gabrielle Devos)

 

“Noisette ! Noisette ! Reviens ici, tu vas te salir.”

Sale, Noisette l’était déjà. Le poil humidifié par la fine pluie froide. Les longs crocs courbés dégoulinants de salive. 

Une lente respiration soulevait de manière régulière le dos courbé de la bête qui se tenait devant moi, à quelques pas seulement. Au-dessus des trois mètres de muscles et de poils, ses deux yeux blancs comme des disques lunaires étaient rivés sur moi. Le temps fut suspendu pendant quelques secondes qui semblèrent des heures.

(Source de l’illustration : iDraw)

Soudain, comme mue par quelque instinct sauvage profond, la bête se rua sur moi en poussant un hurlement glaçant. Par réflexe, je me jetai sur ma gauche au travers d’une vitre et j’atterris sur le sol d’un entrepôt désaffecté dans la poussière et les bris de verre. Sonné par le choc, j’eus à peine le temps de retrouver mes esprits lorsque j’entendis la porte rouillée se fracasser au sol sous les coups du monstre enragé.

Pris de panique, je bondis à toute vitesse jusqu’au fond de l’entrepôt où je me cachai derrière quelques vieilles caisses en bois poussiéreuses. Je plaquai mes mains sur ma bouche et mon nez dans une tentative désespérée d’étouffer le son de ma respiration haletante. Après quelques secondes, je me risquai à jeter un œil dans l’interstice entre deux caisses.

Noisette farfouillait dans l’entrepôt en renversant sur son passage les étagères et leurs contenus. Soudain, j’entendis à l’extérieur plusieurs cris et la lumière vive du projecteur d’un hélicoptère traversa les vitres brisées, projetant sur le sol l’ombre déchaînée de la bête.

 

– – –

(Luis Pineau)

 

L’hélicoptère se posa sur le parking extérieur. Un petit homme au dos courbé en sortit, suivi de près par deux gardes du corps. L’un d’eux sortit un parapluie et l’ouvrit au-dessus de la tête du vieillard. La pluie ne semblait pas freiner le trio qui s’introduisit dans l’entrepôt.

“Tsssk, tsssk, Noisette, où es-tu ? Reviens vite, El Padre a encore beaucoup de travail aujourd’hui”

“El Padre”… Ce vieil homme était donc était le parrain de l’une des mafias les plus puissantes et cruelles de la RPAN*. 

“Ah ! Te voilà enfin !”

Le pitbull génétiquement modifié, sobrement appelé “Noisette”, avait rejoint son propriétaire excentrique. Les trois hommes et le molosse se dirigeaient vers l’hélicoptère quand soudain la queue de celui-ci explosa dans un vacarme assourdissant. Dans la seconde qui suit “El Padre” était criblé de lasers de snipers.

“Mains en l’air”, lui cria une voix dans la pénombre.

 

(Source de l’illustration : thanetpress)

Le parrain s’exécuta aussitôt. A peine avais-je repris mon souffle, qu’une main me happa et m’entraîna derrière un pilier. C’était Yang Ling.

“-Tu es fou ! lui hurlai-je, j’aurais pu mourir.

  -Écoute, je suis désolé de ne pas t’avoir mis au courant plus tôt mais…”

*RPAN: République Populaire d’Amérique du Nord

 

– – –

(Hugo Delefosse)

 

« j’ai trouvé l’amour de ma vie », le coupai-je. 

 

Et alors ? me répondit Yang Ling. Bouge de là, il faut qu’on s’en aille avant que ça ne tourne vraiment mal. 

 

Il me saisit le bras et m’entraîna à sa suite dans des escaliers tarabiscotés où je faillis me tordre une cheville. Une centaine ( au moins ) de marches plus bas, il sortit une clef rouillée de sa manche, et ouvrit la porte d’une petite cave sombre avant de me bousculer à l’intérieur sans plus de cérémonie.

 

Cette pièce est secrète, Connor. Tu ne dois parler à personne de son existence. Est ce que tu peux deviner pourquoi ? 

(Source de l’illustration : designstack.co)

Tout dans l’attitude, dans le ton et dans les mots de Yang Ling me donnait l’impression d’être testé, et c’était d’ailleurs probablement le cas. Mais testé pourquoi, ça je n’en avais aucune idée.

 

Parce que c’est là que vous planifiez la rébellion ? demandai-je avec mille fois plus d’audace que je n’en ressentais vraiment. 

 

Tu es un malin, Connor, commença Yang Ling d’un air grave. Écoute… il faut qu’on parle.

 

Ces mots me firent froid dans le dos : ils n’annonçaient jamais rien de bon. Ils étaient soit signe d’une rupture, sauf que, aux dernières nouvelles, je n’avais pas de liaison avec Yang Ling, soit ils signifiaient la mort de quelqu’un. Et c’était rarement quelqu’un dont la perte était une fête.

 

Que se passe-t-il ? lui demandai-je, le ventre noué par la peur. 

Je sais que tu as reçu une demande de mission spéciale de la part du gouvernement. Mais je dois te prévenir : …

 

– – –

(Gabrielle Devos)

 

…tu vas probablement te faire arnaquer; apparemment c’est un stage non payé »

 

– Comment ?? Mais c’est impossible : avec mon niveau de diplôme, jamais ils n’oseraient ! 

– Je sais Connor, je sais… c’est pour ça que je voulais te parler. Rejoins notre syndicat, tu ne peux pas te permettre de subir ce genre de choses ! 

 

Rejoindre un syndicat… ça paraissait être une idée tellement saugrenue et folle, mais d’un autre côté, en étais-je seulement capable ? 

 

Cela faisait plusieurs jours que je m’attendais à une telle proposition de la part de Yang Ling, mais je ne m’étais pas décidé pour autant. Rosa aurait dit oui. Rosa avait toujours été plus effrontée, plus …, plus courageuse. Plus forte. 

 

Je savais qu’elle aurait été tellement fière – et surprise – si j’osais franchir un tel pas. Mais… je n’étais pas Rosa. Ou Yang Ling. J’étais un simple cryptographe dont le principal acte de rébellion était d’admirer ses amis révolutionnaires, et de ne pas les trahir. 

 

J’en étais là de mes réflexions quand une explosion secoua la porte. Plusieurs hommes lourdement armés entrèrent, et l’un d’eux hurla :

 

– – –

(Gabrielle Devos)

 

“Chopez-le ! C’est notre stagiaire sous-payé qui essaie de d’échapper !”

 

Je n’eu pas le temps de souffler que nous fûmes encerclés. Un homme moustachu d’une cinquantaine d’années s’avança. A peine fut-il devant Yang Ling qu’il le frappa et ce dernier plongea dans le coma.

 

“Saleté d’anarchiste, vociféra-t-il, tu croyais nous échapper ? Où as-tu mis la F6 ?”

 

Un silence gênant s’ensuivit.

 

“-Réponds-moi !”, hurla-t-il

“-Il ne peut pas vous répondre… Il est sonné”, murmurai-je

 

Le moustachu s’approcha de moi.

 

“-Notre stagiaire fait la forte tête, hein ? Peut-être que, lui, osera nous répondre. Où est la F6 ?

-Je… Je n’en sais rien, bégayais-je. Je ne sais pas ce que c’est.

-Tu vas me dire qu’un cryptologue ne sait pas ce qu’est une F6 ? Allons, ne joue pas au malin avec moi.

-Une F6-Atlas !? m’interloquai-je. La société Onitech vient de sortir le prototype…

-Exactement, et il pourrait révolutionner la sécurité nationale. Tous les moindres faits et gestes contrôlés à partir du champ magnétique généré par le corps humain, aussi faible qu’il soit.”

Il était donc évident que Yang Ling essaie de s’en emparer. J’expliquais que je n’étais pas impliqué dans cette histoire et que je n’en savais que trop rien. J’expliquais par 

ailleurs que mes compétences de cryptographie étaient largement surestimées.

(Source de l’illustration : https://fineartamerica.com)

On m’administra de force un sédatif et à mon réveil j’étais seul dans une cellule. J’entendis au loin dans les couloirs que Yang Ling était mort. Il avait 

une fausse dent remplie d’arsenic qu’il pouvait ingérer pour se donner la mort si nécessaire mais il semblerait que le coup qui lui a été porté ait suffit à libérer le poison.

 

J’étais maintenant livré à moi-même. Rosa me manquait tant. Qu’aurait-elle fait dans cette situation ?

 

– – –

(Hugo Delefosse)

 

Je parcourus ma cellule d’un regard sombre. Mes oreilles bourdonnaient d’un sifflement continu tandis que je m’affalai sur le petit banc, juste assez large pour s’asseoir, qui faisait le tour de la pièce. Noisette, El Padre, Rosa, Yang Ling, le stage non rémunéré. Je tentais de faire le tri dans ce foutoir sans nom lorsque j’entendis le bruit sec d’une trappe. On m’apportait mon plateau repas.

Ni une, ni deux, ni trois, je me jetai en avant et attrapai la main qui tenait le plateau. Je tirai d’un coup sec et tordis le bras contre la porte d’une clé parfaitement exécutée. Un cri de douleur résonna de l’autre côté tandis que je tirai de toutes mes forces sur l’articulation coincée dans l’interstice :

« -Arrrgh ! Lâche-moi espèce de taré ! aboya le garde d’une voix haletante.
-Tu vas immédiatement m’ouvrir cette porte si tu veux pouvoir un jour te resservir de ta main droite, dis-je d’une voix calme et posée.
-Ok ok c’est bon là vazy. »

J’entendis le cliquetis de la clé dans la serrure ainsi que le gémissement de douleur du gardien contorsionné. Soudain pris d’un sentiment de puissance et d’une assurance que je ne m’étais jamais connue, je lâchai le bras du pauvre bougre et décochai dans la porte mon meilleur coup de pied retourné. Sous la puissance de la frappe, la porte blindée sortit de ses gonds et, embarquant le malheureux gardien, partit s’encastrer dans le mur du couloir. A l’impact, deux énormes giclées de sang tapissèrent sur le mur gris l’esquisse macabre d’un aigle de sang écrabouillé.

Je sentais mon cœur tambouriner à mes oreilles, mes muscles électrisés d’une excitation surnaturelle. Je m’élançai dans le couloir sous les gyrophares rouges clignotants. Je n’entendais même pas l’alarme, emporté dans un tourbillon mental de violence et de folie.

Je ne me souviens pas exactement de tous les obstacles qui se sont tenus sur mon chemin. Quelques portes blindées ? Probablement. Un garde ou deux ? Sans doute plus. Combien de temps avais-je couru ? Une heure ? Deux ? Dix ?
J’étais assis sur un muret. Sous mes yeux s’étendait la ville baignée de cette lumière bleue légèrement orangée qui précède l’aurore. Les hauts immeubles se détachaient au loin sur le ciel encore sombre et un léger vent froid caressait mon visage.

Source de l’illustration : https://wallhere.com/en/wallpaper/223829

– – –

(Luis Pineau)

 

Après avoir repris mon souffle, je me décidai à repartir. Mais où ? Yang Ling était mort, le gouvernement était certainement à mes trousses, et en plus de ça El Padre était quelque peu énervé qu’on ait dérangé son monstre adoré. Je commençai à avancer au hasard, perdu dans mes pensées, lorsque mon bipper m’avertit d’un message entrant. J’eu à peine le temps de regarder l’écran qu’un cri résonna à quelques dizaines de mètres derrière moi :

“Rattrapez-le ! Le vaccin lui a été injecté, il ne faut pas qu’il s’échappe ! Je le veux vivant !”

Source de l’illustration : https://rhade-zapan.tumblr.com/post/114887932516/illustration-by-bernie-wrightson-more-bernie

J’eu tout juste le temps de m’accroupir derrière un gros rocher que la milice du gouvernement me dépassait en courant. Il ne semblaient pas m’avoir vu, et c’était mieux ainsi. Après de longues minutes à attendre, j’osai enfin regarder le message qui m’avait été envoyé : “Je sais ce qui est arrivé. Je veux vous aider. Rejoignez-moi à l’entrée de la ville. Assurez-vous que personne ne vous suive.”. Pas de signature. Peut-être s’agissait-il d’un piège, mais dans ma situation, je n’avais pas trop le choix. Sept kilomètres me séparaient de mon nouvel objectif.

En commençant à marcher, je réfléchissais à la phrase qu’avait crié le militaire. “Le vaccin lui a été injecté”. Yang Ling m’avait parlé d’une nouvelle méthode de contrôle des populations que le gouvernement mettait au point. Elle consistait en plusieurs injections d’un produit top secret. Est-ce ce qui m’avait été injecté ? En tout cas, je ne sentai pas de contrôle particulier, seulement une fatigue extrême due à la course poursuite qui venait d’avoir lieu.

– – –

(Valentin Meunier)

 

Source de l’illustration : Hugo Delefosse

J’avançais sous le soleil ardent du Nouveau-Texas. J’avais soif. Très soif. Il n’y avait aucun point d’eau à des kilomètres à la ronde dans ce désert. Comment allais-je survivre ? Il fallait que je boive. Je scrutais l’horizon et je ne voyais que le ciel qui bleuoyait et le soleil rayonnant. Des charognards volaient à ma droite . Plus je les regardais, plus je m’étonnais. Ils faisaient des allées et venues derrière l’immense dune. Ils étaient sûrement en train de manger une carcasse. Peut-être pourrais-je boire son sang ? Il fallait que je boive. Je courus vers la dune. Quelle idée… Je ne faisais que gaspiller mes forces. Je me sentais encore plus nauséeux. Bon gré mal gré, j’arrivais en haut de la dune et que vis-je ? Une oasis. La plus belle jamais vue. Des palmiers la bordaient. Les charognards avaient été remplacés par des aras de toutes couleurs. Je m’approchais de l’eau. J’y plongeais mes mains de sorte à former un puit pour boire. L’eau était fraîche. Je portais mes mains à la bouche, fermais les yeux et… je ne bus pas. L’eau avait coulé de mes mains. Je réitérais l’opération. En vain. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Il fallait tenter une autre méthode. Je penchais la tête vers l’eau. Je la penchais. Je la penchais. Encore et encore. Je n’atteignis jamais l’eau. Je me penchais davantage et je tombais. Je tombais encore et encore. Je perdis connaissance.

 

Quand j’ouvris les yeux j’était à San Angel, dans mon quartier natal, dans la maison qui m’avait vu naître. J’étais chez moi, allongé dans le lit avec une silhouette familière. Rose. A peine avais-je ouvert la bouche pour lui expliquer à quel point elle m’avait manqué qu’elle s’exclama :

 

“-Connor ! Quel idiot tu es ! Nous sommes fauchés et tu trouves le moyen de dépenser tout l’argent dans des consommations excessives d’alcool.

-Je…”

 

Suite à cela, elle m’asséna un coup dans la tête. Je m’évanouis instantanément. A mon réveil, j’étais dans le désert. J’avais toujours soif. Il fallait que je boive. Je scrutais rapidement le paysage. Une caravane était à ma gauche, une hutte à ma droite.

– – –

(Hugo Delefosse)

 

Source de l’illustration: Mathis Grisel

Je me dirigeais vers la caravane. Elle était plus proche que je ne le craignais. Une femme d’une cinquantaine d’années en sortit. Elle me questionna : « Que faites-vous ici, jeune homme ? Il n’y a rien à faire pour quelqu’un comme vous. » Je lui expliquais toute mon aventure et pourquoi je me retrouvais dans ce cet endroit si inhospitalier. « Vous avez de la chance, me dit-elle, demain je vais à La Corucha faire des réserves d’eau et de nourriture. C’est la plus importante ville-marché du nouveau Texas. Vous y trouverez sûrement quelqu’un prêt à vous emmenez hors de ce maudit lieu. »

Le lendemain, aux premières lueurs du jour, nous partîmes. Après 5h de trajet dans le désert, nous arrivâmes à La Corucha. Cette ville ressemblait à un gigantesque marché à ciel ouvert. Je descendis de la caravane et après avoir remercié mon hôte, je m’aventurais au cœur du marché. Je n’avais qu’une envie : retrouver Rose. Je pensai tellement à retrouver Rose que je crus entendre son nom. « Rose ! »… Non, ce ne pouvait être qu’une illusion. « Rose ! Combien de fois je t’ai dit de fermer à clef la porte du placard de droite ». Intrigué, je me retournai et vis un homme massif vociférer sur une pauvre femme. Cette femme… elle me semblait si familière… et pour cause… c’était Rose ! Je fis de grands gestes mais bien qu’elle les ait vus, elle ne réagit point. Elle rentra dans l’entrepôt. Je courrai à sa poursuite et lui agrippai le bras :

« Rose, c’est moi, Connor !

– Que fais-tu ici ? Tu es fou ? Si quelqu’un nous voit ensemble, je peux dire adieu à ma paye.

– Mais que comptes-tu faire avec ?

– Je n’ai plus d’argent, Connor. La situation se dégrade dans le pays. Avec cet argent, je fuirai en Amérique Latine : terre de liberté et de plaisir.

– Et ton frère Rose ?

– La maladie a eu raison de lui… et de mon argent.

– Et moi, Rose ? Et moi ?

– Toi ? Haha, toi tu m’as abandonné, soi-disant en quête d’un meilleur travail pour le gouvernement, ce gouvernement corrompu… et je n’ai jamais vu le moindre sou que tu étais censé me faire parvenir. Maintenant laisse-moi, veux-tu ?

– Rose, je n’ai pas eu le choix, ma tête est mise à prix. Mais fuyons ensemble. »

Rose ne me répondit pas et, se défaisant de mon emprise, elle rentra dans l’entrepôt. Je n’avais aucun but dans ma vie mais à partir de ce moment j’en ai eu un. J’allais fuir ce pays et j’allais aider Rose à fuir.

 

– – –

(Hugo Delefosse)

 

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J’allais aider Rosa à fuir ce pays.

Il s’agissait maintenant d’être méthodique : première nécessite, un moyen de transport. Rosa était solide et j’étais moi même plutôt athlétique, mais on ne ralliait pas le Mexique depuis le Texas à pieds. Il nous fallait donc une voiture.

Grâce à une facilité scénaristique incongrue, une Audi grise avec les clés sur le contact était justement garée cent mètres plus bas sur la chaussée. Étape une, fait.

Exalté par cette nouvelle vie qui m’attendait, je couru chercher Rosa pour lui annoncer la bonne nouvelle. Sceptique, elle me dévisagea :

« Tu as une voiture ?? Comment ça se fait ?

⁃ Elle n’est pas à moi. Je l’emprunte pour une durée indéterminée.

⁃ Oooh. Tu as beaucoup changé, Connor.» Elle n’avait pas l’air complètement convaincue, mais elle accepta me laisser l’aider. Je la pris dans mes bras comme une mariée, pour la déposer dans notre carrosse direction la liberté.

A ce moment là, des agents du gouvernement surgirent au milieu de la route comme par magie. « Notre expérience ! Il est là, ne le laissez pas s’échapper ! s’écria l’un d’eux à la cantonade.

Mais il était déjà quatorze heures, or il est de notoriété publique qu’à quatorze heures, les texans font la sieste, et que pas même un agent gouvernementale ne saurait déranger ce moment sacré.

Dans l’indifférence texane la plus totale, je passais la seconde et fis crisser les roues en m’enfuyant, poursuivi par les soldats qui avaient récupéré leurs motos. Rosa n’accordait aucune attention à notre course poursuite ; elle fouillait la boîte à gants pour trouver une cigarette.

Je parvenais à maintenir un bon écart entre les motos et nous. Nous continuâmes ainsi pendant deux heures, jusqu’à ce qu’à une sortie d’autoroute, alors qu’il vous restait à peine une heure avant d’atteindre Las Torres, des mafieux envoyés par El Padre surgissent devant nous.

« Rosa ! criai-je. On est foutus ! Je suis désolé de ne pas avoir réussi… mais je t’aime, si ça doit se finir maintenant, je suis heureux qu’on soit ensemble et…

⁃ Stop le discours à deux balles là. Je m’en occupe, deux secondes.» Elle sortit alors une arme de son petit sac de voyage, se pencha à travers la fenêtre, et un à un, elle élimina nous poursuivants sans tirer à côté une seule fois. « Eh ouais, c’est comme ça qu’on fait bébé. »

C’est ainsi que les cheveux au vent, dans le soleil couchant, nous franchîmes la frontière. Libres.

 

Fin

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(Gabrielle Devos)